Cour d’assises de Constantine au printemps 1873. Procès dit des “grand chefs”:
Nous sommes le 10 mars 1873, les principaux responsables de l’insurrection sont arrêtés et emprisonnés à Constantine, s’ouvre alors au tribunal de Constantine le procès des chefs de l’insurrection ou de ceux ayant miraculeusement échappé aux conseils de guerre et exécutions sommaires.
Sur les 212 accusés, 149 sont maintenus en prison. Un arrêt d’accusation établi le 21 septembre 1872 les renvoie devant la cour d’assises de cette juridiction. L’acte d’accusation leur est notifié les 9 et 26 décembre 1872.
Le verdict sans appel fut la déportation en Nouvelle-Calédonie de la plupart d’entre eux. Feront partie du lot, Mokrani Boumezrag, Aziz Ben Cheikh Ahaddad et son frère M’hamed. Avant leur embarquement pour l’exil forcé, ils seront internés au fort de Quélern (Brest) et à l’île d’Oléron.
Boumezrag comparut devant la Cour de Constantine en compagnie de Cheikh Aheddad et des ses enfants Aziz et Mhand.
Après de longs débats, et la plaidoirie magistrale d’un député, venu de France, maître Grévy, frère du futur président de la République, Boumezrag fût condamné à la peine de mort sur la place de Bordj Bou Arréridj.
Pourtant, maître Grévy avait déployé une exceptionnelle énergie à convaincre le juge. Il s’y prit avec une telle habileté qu’il fit une comparaison émouvante avec Jugurtha.
“Lorsque Jugurtha fut vaincu, ses vainqueurs le chargèrent de chaînes et le conduisirent à Rome ; là, ils le jetèrent dans la Caglianum où il mourut de faim après six jours d’horribles souffrances.
Vingt siècles plus tard, les Français, eux aussi, s’emparaient du Nord de l’Afrique, Abdelkader, battu, se rendit à la France qui, loin d’imiter la barbarie de Rome, faisait à son vaincu une position digne d’elle et de lui.
Je réclame, messieurs, l’acquittement pur et simple. Je le réclame au nom des principes de liberté, de tolérance et de générosité.
Vous êtes souverains, messieurs les jurés, votre verdict sera sans appels, il doit être un acte de justice. Faites que, de retour à l’Assemblée Nationale, je puisse dire à mes collègues que j’ai trouvé sur la terre algérienne un peuple juste ; que l’Algérie apaisée ne veut de l’arbitraire sous quelque forme qu’il se présente et qu’elle se relève sous une administration nouvelle ; que je puisse leur dire, enfin, que l’Algérie est et sera toujours digne de la liberté”.
Quand on demanda à Boumezrag s’il voulait faire appel, il refusa. En descendant du box, il jeta un regard serein sur l’assistance et tandis que des femmes l’observaient avec admiration, il s’écriera : “Peut m’importe de mourir plus tôt que plus tard, puisqu’il faut mourir”. Sa peine fut commuée en déportation ; il prit le bateau vers la Nouvelle Calédonie avec Aziz,Mhand et 569 autres algériens.