L’insurrection de 1871, par sa gravité même, allait donner au séquestre une ampleur considérable, dès le 25 mars 1871, se référant aux articles 10 et suivants de l’ordonnance précitée du 31 octobre 1845, un arrêté (7) du commissaire extraordinaire de la République en Algérie, Alexis Lambert, frappa de séquestre tous les biens meubles et immeubles des personnes ayant participé au soulèvement; cet arrêté fut approuvé par le ministre de l’Intérieur dans sa décision du 14 avril.
Par son arrêté du 31 mars 1871 (8), approuvé le 7 mai par le ministre de l’Intérieur, le commissaire extraordinaire élargit cette mesure et déclara frappés de séquestre « les biens de toute nature, collectifs ou individuels, des tribus ou des indigènes qui auront commis ou commettront les actes d’hostilité déterminés par l’article 10 de l’ordonnance du 31 octobre 1845 ». Le séquestre mis en place par cet arrêté était individuel.
L’arrêté du chef du pouvoir exécutif en date du 15 juillet 1871 mit en place par contre un séquestre dit territorial, en déclarant non nécessaire de procéder à la publication des états nominatifs ou autres, prévus à l’article 12 de l’ordonnance de 1845, qui devaient accompagner ou suivre l’arrêté de séquestre ; le texte prévoyait en effet que « le séquestre collectif territorial pourra être appliqué sur l’ensemble des biens immeubles de toute tribu, douar ou famille, se trouvant dans les conditions où, d’après la susdite ordonnance, le séquestre est encouru (…) » Cet arrêté était déclaré applicable aux séquestres déjà établis ; ce séquestre collectif n’atteignait que les biens immeubles sis dans le périmètre territorial concerné (9) et, à la différence du séquestre individuel, ne touchait pas les immeubles appartenant à des indigènes de la tribu ou du douar coupable, situés ailleurs que dans le territoire séquestré (10).
Par arrêté du 7 juin 1871, le Gouverneur général institua une commission chargée de l’examen des questions que soulevait « l’établissement du séquestre sur les biens des Indigènes rebelles (11). » Le séquestre était prononcé par un arrêté du Gouverneur général, après avis de la commission susdite et le conseil de gouvernement entendu. L’administration des Domaines prenait alors la gestion des biens séquestrés, conformément à l’ordonnance du 31 octobre 1845.
Le décret du 30 juin 1877 autorisa les indigènes séquestrés nominativement à se racheter des effets de cette mesure pour ceux de leurs biens meubles et immeubles dont le Domaine n’avait pas encore pris possession, moyennant le paiement d’une somme égale à la valeur de ces biens, valeur déterminée par l’administration.
D’autre part, suivant les instructions gubernatorial relatives au rachat du séquestre collectif, chaque tribu (ou douar) devait abandonner environ un cinquième de la valeur de son territoire ou effectuer un paiement d’une somme d’argent représentant ce cinquième. Les territoires prélevés pouvaient être affectés au territoire des centres de colonisation projetés (12).
Donc la révolte réprimée dans les mois qui suivent. Jugements, emprisonnements, déportations à Cayenne et en Nouvelle Calédonie. Et puis contributions et impôt de guerre et finalement le séquestre, cette procedure existe déjà en Algérie depuis les années 1830-1840.
le gouverneur général civil de l’Algérie ordonna de saisir tous les biens des villages ayant participé au mouvement. C’est ainsi et pour affamer le peuple, 8667 oliviers et 13480 figuiers, en plus des terres et biens immobiliers, ont été saisis dans la tribu des Ath Idjeur. Il a fallu payer une forte amende de 17950 frs en 1876, une énorme somme à l’époque.
Pour que les arbres fruitiers et les terres soient rendus à leurs propriétaires. les résistants furent considérés et traités comme des bandits. La presse française poussa au massacre des insurgés. Les jurys, constitués de nationaux, portèrent des condamnations qui distinguaient les « belligérants » vaincus, les « sujets: indigènes », et les « Français » nationalisés. Les insurgés considérés comme «belligérants » durent payer de fortes contributions de guerre, près de 36 500 000 francs. En 1875, le Trésor français avait recouvré 31 500 000 francs. Les terres des «sujets indigènes » furent frappées de séquestre: cette mesure toucha toutes les tribus insurgées, la collectivité tribale étant traitée comme personne civile responsable, ce qui n’empêcha pas les- Français d’appliquer la même sanction aux tribus qui n’avaient pas combattu en tant que telles. De nombreux propriétaires algériens devinrent alors « khemass » ou ouvriers agricoles dans leurs anciennes propriétés. En tant que «Français » enfin, les insurgés furent traduits devant les cours d’assises où siégeaient des jurys composés uniquement de colons. Plusieurs patriotes y furent condamnés à mort et acceptèrent la « sentence avec un enthousiasme farouche qui approchait la joie », plusieurs autres ont été déportés.
L’arrêté du 31 mars 1871 appliquait le séquestre à toutes les terres rebelles, en vertu du principe de responsabilité collective de la tribu.
Puis l’amiral deGueydon, gouverneur général, autorisa les indigènes à racheter ces terres, en argent ou en terres, au 5e de leur valeur (la mainlevée du séquestre de 1903): il leur en coûta 63 millions.
En 1873, on constate que 324.000 hectares ont été confisqués à titre collectif et 250.000 hectares à titre individuel.
Le séquestre collectif a touché 313 collectivités (en cas de refus de payer une soulte de rachat, des commissions pouvaient exproprier), Il fut liquidé en 1878.
Le séquestre nominatif a touché 1778 propriétaires, une circulaire gubernatoriale de 1874 (91/5 N 1) donne des indications sur la liquidation.
Ce séquestre collectif avait pour but de permettre la création de nouveaux centres de peuplement européen, Il entraînait le refoulement des indigènes, puis le paiement de la soulte de rachat (la tribu étant représentée par sa djemaa).
Une contribution de guerre fut également exigée, la sous-série 91/5 N, liée à ces sanctions de la révolte , se prolonge jusqu’en 1909.
La procédure juridique suivante est la loi du 26 juillet 1873, la loi Warnier dite loi des colons, complétée par une loi de 1887, ces lois voulaient favoriser la colonisation libre et remplacer le sénatus consulte.
La loi Warnier distinguait la propriété constatée (ou privée, ou melk) et la propriété constituée (ou arch), elle fut publiée au Journal officiel de la République française le 9 août 1873 et au Journal officiel de l’Algérie le 15 août.
Cette loi Warnier permettait de supprimer la propriété collective et de disloquer l’indivision des parcelles appartenant à des indigènes ; elle permit une véritable spoliation légale.
La constitution de la propriété privée a même été qualifiée de francisation des terres, la sous-série 91/6 N du présent instrument de recherche en résulte, elle s’étend jusqu’en 1905.
Ainsi, beaucoup de terres melk indivises furent acquises, mais les abus commis en ce sens furent révélés au Parlement en 1890, par la suite, la loi Warnier cessa d’être appliquée ; en revanche, l’administration défendit jusqu’en 1922 la propriété arch, déclarée inaliénable
Entre Alger et Constantine, la principale zone touchée, les séquestres collectifs sont massifs. Outre leur violence, ils reposent sur des injustices flagrantes puisqu’on précipite également dans la punition des locataires, des héritiers, des bailleurs de fonds qui ne sont pas concernés par la révolte mais dont le séquestre atteint les intérêts. Même des auxiliaires algériens de l’armée française, auxquels on laisse leurs biens, se trouvent dépossédés par l’instauration des périmètres de colonisation. L’intention de punition et de revanche est prouvée par le fait qu’on pousse la mesure jusqu’à confisquer les réserves de grain et les troupeaux. Comme on veut faire vite, on ne développe pas beaucoup les enquêtes et le séquestre, par trop fluctuant, devient un nouveau ferment de division et de ressentiment.
Ce séquestre a touché toutes les fractions d’El Aouana (عروش) OULED TEBAAN (TBAANA), OULED BOUBKER, OULED SAAD, BENI SEKFAL, OULED MHAMMED, KHERACHA ET BENI KHZER, la plupart des familles sont donc dépossédées de leurs terres, il y a eu le séquestre collectif et le séquestre individuel, les meilleurs terres sont donc confisquées et par la suite seront destinées à la colonisation et la creation du village colonial de Cavallo.
VOICI DES DOCUMENTS QUI EVOQUENT CET EVENEMENT
Comme indiqué sur ces cartes, les terres d’El-Aouana séquestrées allant de Oued BOURCHAID à l’Est, à Afouzer à l’ouest et de la mer au nord jusqu’à Djbel Bouazzoun et Harrouda au sud sont mises à la disposition des colons pour la création du village agricole.
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